"Mourinho est redevenu humain"

Angel Marcos, consultant pour L'Equipe.fr, explique l'élimination de Chelsea contre Liverpool par les options tactiques de José Mourinho, qui avait choisi de poursuivre avec l'orientation plutôt défensive du match aller. « Pour la première sans doute, il s'est trompé », nous explique-t-il.

« L'issue de ce Liverpool - Chelsea s'apparente moins à une victoire de Liverpool qu'à une défaite de Chelsea. Certes, l'équipe de Liverpool vient de sortir deux super favoris en jouant le contre. Mardi, elle a été présente au milieu, a pu compter sur de très bons joueurs comme Gerrard ou Riise, mais elle n'a quand même pas montré grand-chose. Elle avait été meilleure au match aller. Chelsea, de son côté, a subi une vraie faillite dans la construction du jeu. On a vu cette saison que cette équipe avait deux facettes. Elle est capable de pratiquer un jeu de passes ambitieux en mettant beaucoup de pression. Elle peut aussi, quand elle est dominée, mettre en difficulté n'importe quelle équipe sur une longue et unique passe.

Le problème, c'est que Chelsea a cru pouvoir procéder ainsi contre Liverpool et que Liverpool l'attendait dans ce registre. Faire une longue passe sur un Drogba qui a cinquante mètres devant, ce n'est pas la même chose que balancer sur lui alors qu'il se trouve de dos et pris en tenaille par les deux défenseurs centraux, comme mardi. Il y eut comme un manque de conviction chez Chelsea. En raison de son statut de favori ? C'est possible, surtout en Angleterre, où personne n'était prêt à comprendre comment Liverpool allait passer contre le champion après trois défaites dans l'année.

Il y a une autre explication plausible : Mourinho est peut-être redevenu humain. Pour la première fois cette saison, sans doute s'est-il trompé. Au match aller, il a eu tort de placer Gudjohnsen à gauche, où il n'a pas le même rayonnement, et de sortir Cole, qui était dans un bon soir. Au retour, il a encore sorti Cole et il a surtout joué petit bras en titularisant Tiago, plutôt que Robben par exemple. Il est parti en se disant : "C'est aux joueurs de Liverpool d'attaquer et ils auront du mal car nous sommes très solides et que nous pouvons marquer en contre". Or, Liverpool a marqué sur sa première attaque et Chelsea s'est retrouvé obligé de faire le jeu pendant 90 minutes. Dans quelle configuration ? Avec Tiago associé à Makelele, personne sur les côtés, et un Drogba statique sous les ballons balancés. Chelsea a continué sur la voie du match aller. Après les matches contre Barcelone et Munich, Mourinho a retenu que son équipe encaissait pas mal de buts, oubliant que cela ne l'empêchait pas d'en marquer davantage.

C'est quelque chose qui arrive à tous les entraîneurs à un moment de leur carrière quand ils sont en réussite. A un moment, à force d'analyser les tenants et les aboutissants de chaque match, après avoir cumulé les bons choix, vient le moment où on se dit : "On peut gagner le match seulement à la condition de faire ça", ce qui est faux. Par excès de confiance, l'analyse du match et de l'adversaire poussent à dépasser la ligne d'entendement des joueurs, et la recherche devient alors contre-productive. Mourinho a misé sur la grande solidité de son équipe, en se disant qu'il pouvait marquer à tout moment. Or, on gagne quand on fait jouer ses joueurs de façon adaptée, avec une logique de jeu et une conviction, éventuellement à l'aide d'un petit plus comme il sait souvent en détecter, mais éventuellement seulement. Mourinho en était arrivé au point où pour lui, ce petit plus était le plus important. »