[10] Joe Cole

Joe Cole, l'âge de Raison

Le nouveau Joe Cole est arrivé. Dégoulinant de talent, le milieu de terrain de Chelsea a considérablement amplifié son jeu sous l'égide de José Mourinho, au point de gagner une place de titulaire en équipe d'Angleterre, samedi, pour affronter l'Irlande du Nord. La chrysalide est devenue papillon.

La carrière des grands joueurs de l'histoire du football est souvent marquée par un acte fondateur. Un match référence, comme une ligne de démarcation entre l'avant et l'après. C'est désormais le cas de Joe Cole. Le joueur de Chelski connaît désormais sa véritable date de naissance de footballistique. Pour lui, il y aura un avant et un après 8 mars 2003. Ce soir-là, Cole a crevé l'écran et fut, avec Ronaldinho, la véritable vedette d'un bijou de match entre Chelsea et Barcelone.

L'avenir dira si Joe Cole peut tenir un rôle majeur dans le football anglais ces prochaines années. Mais en quelques semaines, il a franchi non pas une marche, mais plusieurs étages à la fois, au moment où l'on commençait à redouter que ce pu joyau de la couronne reste à jamais un diamant à l'état brut, incapable de se polir. C'était oublier un peu vite que l'ancien Hammer n'a encore que 23 ans. L'âge de raison.

Il a payé pour apprendre

Révélé en 1998 à seulement 16 printemps, lorsqu'il remporta l'équivalent anglais de la Gambardella avec West Ham tout en intégrant l'équipe professionnelle, Cole se distinguait, déjà, par ses extraordinaires qualités techniques et une étonnante vision du jeu. Titulaire dès la saison 1999-2000, il surclassait alors à l'époque son coéquipier Frank Lampard, pourtant son aîné de deux ans. Sans une vilaine fracture de la jambe, Kevin Keegan l'aurait embarqué au Benelux pour disputer l'Euro 2000, le tout à 18 ans.

Star avant l'heure, très doué, trop peut-être, Joe Cole a ensuite payé pour apprendre. Il lui a fallu du temps pour comprendre que le football moderne n'était pas qu'affaire de talent, mais aussi d'engagement et surtout de rigueur. Son transfert à Chelsea, à l'été 2003, allait s'apparenter davantage à une voie de garage qu'à une voie royale. Parfois titulaire, souvent remplaçant, rarement influent, il devint un joueur comme les autres… jusqu'à l'arrivée d'un certain José Mourinho.

Mourinho a tout changé

Il faudra six mois au technicien portugais pour transformer son joueur, à coups d'engueulades privés mais aussi de brimades publiques. La plus cinglante est survenue à l'automne dernier. Alors que Cole venait d'inscrire l'unique but de la victoire des Blues face à Liverpool, il n'hérita que d'une vive réprimande lors de la conférence de presse d'après match. "Il m'avait reproché mon laxisme dans les tâches défensives dans les dix dernières minutes. Ce jour-là, j'ai compris beaucoup de choses" , se souvient-il.

Loin de se formaliser, Cole écoute, et enregistre. Aujourd'hui, il sait ce qu'il doit à Mourinho. "C'est le premier entraîneur qui m'ait parlé, qui a vraiment analysé mon jeu. Il a une énorme influence sur moi et sur ma carrière. Je l'écoute" , poursuit le Londonien. La critique a longtemps inhibé le joueur. Elle va désormais le faire avancer. "Grâce à lui, j'appréhende le jeu différemment, notamment au niveau tactique. Je revois mes matches en vidéo. Ce n'est pas toujours agréable, mais ça m'aide beaucoup", estime-t-il.

Désormais titulaire chez les Blues en dépit de l'infernale concurrence qui règne du côté de Stamford Bridge, Joe Cole ne pouvait laisser insensible Sven Goran Eriksson. Le placide sélectionneur de l'équipe d'Angleterre l'a pourtant longtemps contraint jusqu'ici à la portion congrue, à l'image d'un Euro 2004 où Cole n'a pas joué une seule seconde. Pour la troisième fois seulement de sa carrière, qui compte 17 sélections, il sera titulaire samedi face à l'Irlande du Nord, formant un carré que le royaume espère magique, en compagnie de Gerrard, Beckham et Lampard.

Eriksson: "C'est un autre joueur"

Cole croule maintenant sous les compliments. Ceux de son Suédois de sélectionneur d'abord. "Il a bien travaillé, concède Eriksson. Il a l'air très bien, il semble presque un autre joueur, très mature, prenant les bonnes décisions." Rio Ferdinand, son ancien partenaire à West Ham, abonde dans le même sens : "On voit la différence. Sa classe est toujours là mais il s'éparpille beaucoup moins qu'auparavant". Quant à l'ancien international Terry Butcher, il est tout simplement bluffé : "Je ne sais pas ce que Mourinho lui a dit, mais ce n'est plus le même."

Le vide laissé par la retraite de Paul Scholes n'a pas encore été comblé au milieu. "Il y a trois titulaires pour quatre places. Il en reste donc une. Je vais tout faire pour la prendre" , annonce Joe Cole. Samedi, à Old Trafford, il a donc une opportunité en or à saisir, car d'autres talents poussent à la porte, comme Shaun Wright-Philpps, Kieron Dyer ou Stuart Downing. Il y a encore quelques mois, on aurait pu légitimement douter de sa capacité à assumer la situation. Mais aujourd'hui, il se sent prêt.

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